Mardi 19 avril 2 19 /04 /Avr 06:37
Au panthéon des jeux sexuels, la fessée érotique occupe une place à part, entre mise en scène calibrée et plaisir interdit. Pratique antédiluvienne, elle tend à devenir de moins en moins tabou chez les couples en quête de nouvelles sensations. Incursion dans une discipline très disciplinée. Simulacre de soumission, pratique humiliante ou régressive, rituel libertin, dégradation de la femme, cliché pornographique, acte d’amour et d’abandon… la fessée peut revêtir bien des significations selon celle ou celui qui y est confronté(e). A une époque où les habitudes sexuelles se libèrent progressivement des carcans de l’interdit et du tabou, de plus en plus de couples aspirent à explorer de nouvelles pratiques susceptibles de pimenter leur intimité et de leur faire découvrir de nouvelles sensations. Parmi ces pratiques, la fessée érotique semble connaître un réel engouement, auprès des couples de tous âges, qu’ils soient incorrigibles libertins ou simplement désireux "d’encanailler" leur vie sexuelle. Mais beaucoup y voient encore une forme de perversion… Pour tirer la chose au clair, nous avons interrogé deux experts. Attention, ça va faire mal. Quelques faits sur la fessée La fessée, vous vous en doutez, elle ne date pas d’hier. Et si la dernière que vous avez reçue remonte aux bancs de l’école, dites-vous que vos ancêtres la pratiquaient déjà, et pas seulement en cas de mauvaise note. Mickaël, 40 ans, musicien, adepte de la fessée depuis de nombreuses années et administrateur d’un site web spécialisé, nous révèle : "La fessée est une pratique courante dans les jeux sexuels, et ce depuis fort longtemps. Au Moyen-âge, elle était déjà considérée comme une pratique érotique. C'est dire si c'est nouveau ! Par contre, elle est évoquée de manière publique depuis seulement quelques années." Faut-il y voir une démocratisation du libertinage à l’heure où les sex shops ont pignon sur rue et où les films coquins abondent sur toutes les ondes ? "Aimer la fessée ne signifie pas être libertin, précise Mickaël. Inversement, je pense que le fait que beaucoup de couples assument davantage le libertinage, a contribué à libérer cette pratique de la gangue dans laquelle elle était confinée. L’imagerie érotique a exercé une influence indéniable. Des films tels que Histoire d'O, Les mémoires de Mr Léon, Maitre fesseur, qui datent pourtant des années 70/80, ou plus récemment La Secrétaire, ont certainement décomplexé pas mal de gens, et sont toujours des références en la matière." Catherine Cudicio, psychanalyste, spécialiste des questions de couple et de sexualité, confirme : "La fessée reste un "incontournable" dans les univers fantasmatiques. Georges Brassens en a fait une chanson célèbre, Jacques Serguine en vante les mérites dans un petit livre intitulé Eloge de la fessée (Gallimard, Folio, 1973). Cet opuscule, à mi-chemin entre l’humour et l’érotisme, présente la chose comme un prélude coquin entre amoureux." Alors, cet essor de la fessée, est-il réel ou… fantasmé ? D’après Catherine Cudicio, il est en tout cas aisé à expliquer : "Contrairement à d’autres fantasmes, la fessée est facile à pratiquer, et ne nécessite pas de dispositifs compliqués, cela explique peut-être en partie l’engouement pour cette pratique. D’autre part, on peut lire les choix libertins sous l’angle du retour aux modèles traditionnels, l’homme est le prédateur, la femme la proie, le dominateur, la soumise. Les rôles réels que jouent les hommes et les femmes dans les sociétés post modernes ne correspondent plus à ces anciennes références. Le jeu de la fessée permet de se sécuriser en faisant appel à des repères qu’on fait semblant de croire intemporels..." D’où son succès grandissant. Corrigeons… les idées reçues Mais alors, la fessée érotique ne serait-elle finalement qu’un jeu dans lequel l’homme et la femme "font semblant" d’adopter des postures de dominant / dominé ? En expert pointilleux de la question, Mickaël tient à apporter quelques précisions : "La fessée érotique est aussi bien administrée par les femmes que par les hommes. Il ne s'agit pas d'une pratique exclusivement masculine ! Certains couples intervertissent les rôles régulièrement. D'ailleurs, je préfère les termes "donner/recevoir", plutôt que le mot "domination", davantage réservé au SM. Mais ce sont des nuances. Chacun interprète et désigne son rôle comme il l'entend." Certain(e)s pourraient reprocher à la fessée érotique son caractère a priori humiliant. Ici aussi, Mickaël s’empresse de démentir : "L'humiliation peut être de mise, mais elle doit être toujours feinte. Par "humiliation", j'entends la fausse honte que celui qui reçoit la fessée se plait à jouer. Elle doit rester dans le cadre du plaisir. Personnellement, je ne me vois pas humilier réellement ma partenaire, même si elle me le demande. Un dominateur a ses limites, lui aussi." Bien sûr que cette pratique est humiliante, au moins vu de l’extérieur. Mais la punition n’est pas vécue comme telle tant qu’elle reste un jeu. Symboliquement le châtiment absout la faute, il libère, et le désir en quelque sorte régénéré peut à nouveau s’exprimer et trouver un regain de vigueur. Il ne faut pas prendre les fantasmes pour le reflet direct des autres attitudes de la personne, ni croire qu’ils soient universellement partagés. Ni oublier que parfois, c’est l’homme qui apprécie de recevoir une "bonne" fessée." On se situe donc dans une simulation consentante, dont le but ultime reste la recherche du plaisir. Ainsi, pour Mickaël, "la fessée érotique est avant tout un plaisir partagé. J'insiste sur ce point. Sans cet élément, on passe d'un jeu sensuel et complice à une pratique égoïste et brutale. C'est, si j'ose dire, le principe des vases communicants. Le plaisir de l'un concourt au plaisir de l'autre, et vice versa." Du plaisir dans la douleur ? Le paradoxe ne surprendra plus grand monde : "La fessée érotique n’a rien à voir avec la brutalité, souligne Catherine Cudicio. Car la brutalité s’exerce au premier degré, reflète la haine de soi, l’incapacité à dire ce qui est ressenti, et par dessus tout l’absence totale de respect pour l’autre. De plus, le plaisir amoureux ne s’exprime pas seulement dans la douceur, il peut se déployer aussi avec volupté dans une forme de violence." Mickaël décrypte ainsi la mécanique du plaisir inhérent à la fessée : "Le plaisir de celui qui fesse est de savoir aussi qu'il a l'autorisation de faire ce qu'il désire - dans la limite du cadre imposé - avec sa partenaire. Elle lui "appartient", et cette appartenance étant totalement consentie, le fesseur sait qu'il a la supériorité sur les autres "mâles". Celle qui reçoit la fessée érotique est parfaitement consciente de cela et, paradoxalement, c'est elle qui domine, car elle a le pouvoir de tout arrêter en un instant, et valorise, à ses propres yeux, son fesseur, auquel elle s’est abandonnée. C'est donc un plaisir complémentaire et très enrichissant. Enfin, les fesses sont une zone très érogène, voisine d'autres zones tout aussi sensibles. Or, le fait de "savoir" fesser - car fesser est un art - provoque un afflux sanguin qui irrigue les zones alentours, et ainsi une montée de plaisir." Les fondements de la fessée érotique Mais comment expliquer cette recherche du plaisir par la fessée érotique ? Pour Mickaël, "le besoin de mimer cette correction correspond, d'après ce que j'en sais, à un fort besoin d'attention. Lorsque la personne qui va recevoir la fessée s'allonge sur les genoux de son partenaire, elle sait que celui-ci ne va s'occuper que d'elle, exclusivement. C'est un moment doux et intime, sensuel, fort et excitant, qui précède parfois l'acte amoureux, mais pas systématiquement." Au registre des explications, Catherine Cudicio s’aventure sur des terrains plus sociologiques : "Les couples d’aujourd’hui unissent des individualistes, ils adoptent pour s’inscrire dans la durée et le bonheur, des stratégies fondées sur la singularité : codes et complicité, culture érotique, pratiques sexuelles reflètent ce climat résolument nombriliste. Pour rester dans la tendance, il faut avoir fait l’essai de pratiques particulières, souvent issues d’une mouvance dite "porno chic" : lingerie sexy, jouets sexuels pour adultes... Plus l’univers érotique du couple semble singulier et plus il ressemble à certains modèles en vogue." Avoir de bonnes bases Finalement l’important dans la pratique de la fessée, c’est d’en accepter d’emblée les principes. Mickaël les énumère pour nous : "Une bonne fessée érotique commence d'abord par un consentement mutuel, ça va de soi. Il peut y avoir un rituel ou non. Une fessée peut être administrée de manière totalement imprévue, ou être préparée dans le cadre d'un scénario. La fessée érotique est, certes, une pratique physique, mais il ne faut pas perdre de vue le côté cérébral. Les femmes sont très sensibles aux mots et termes, qu'il faut choisir soigneusement. Après, chaque couple a ses codes. Je suis dominant, mais j'apprécie aussi beaucoup de recevoir, de temps à autre, une petite fessée de ma partenaire !" Enfin, des accessoires peuvent intervenir (martinet, paddle, cravache, badine, ceinture…) mais c’est la main qui reste l’instrument primordial de la fessée érotique. Alors c’est quoi, finalement, le secret d’une fessée érotique réussie ? "C’est de faire preuve d’imagination, d’attention à l’autre, pour faire monter le désir, le manque (qu’il faut savoir susciter pour que vienne la libération). Le fesseur doit savoir décoder en permanence à quel niveau de plaisir se trouve sa partenaire, de façon à moduler sa façon de fesser. Nombre de personnes imaginent que fesser est simple, qu'il suffit de frapper fort. Rien n'est plus faux. Cela requiert de la préparation, du respect et de l’application. Une fessée érotique, c'est comme un soufflet : où elle prend et c'est gagné, ou elle retombe dès les premières minutes, et là, c'est un grand moment de solitude." Souvent, avec son expérience de vieux routard de la fessée érotique (il a connu ses premiers émois à 12 ans en lisant la Comtesse de Ségur et a commencé à s’initier vraiment à 17 ans), Mickaël conseille les couples qui veulent ou n’osent pas s’initier à cette pratique : "Je leur conseille d’abord d'en parler, afin de bien connaitre leurs limites et de ne jamais les dépasser. J'observe chez certains la peur de se découvrir une perversion, et c'est bien normal. Dans ce cas, je leur rappelle qu'il s'agit d'une pratique et d'un plaisir entre adultes consentants. Toute dérive hors de ce cadre est à proscrire. J'essaie de les rassurer, en leur expliquant que, loin d'être déviante, cette pratique n'est pas plus "anormale" qu'une autre. Enfin, je vais peut-être passer pour un ringard mais je pense qu'on ne peut réellement bien fesser que si l'on est amoureux..."
Par Ange_et_demon-Comte-Vlad - Publié dans : L'art de la fessée
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